• Solitude
    Seul face au monde, seul devant soi,
    D'autant plus seul que je n'y sois pas...
    Que reste-il alors ?
    Ne reste que la pure présence silencieuse du réel,
    Cet arbre qui ondule au vent,
    Cette eau qui s'écoule,
    Ce Soleil qui échauffe mon visage,
    Ne reste que l'éternité, présent perpétuel de l'impermanence,
    La vérité, l'éternité, la présence, le silence, le réel... cette table,
    Y trouver quelque bonheur ? pourquoi pas...
    Allez jusqu'au bout de soi, effacement de soi devant le vrai,
    Oh quel silence ! quelle paix ! quelle plénitude ! quelle béatitude !
    Aurais-je besoin d'un autre monde ? d'une autre vie ?
    D'ailleurs, que reste-il de moi sinon un souvenir ?

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  • Soir d'hiver
     
     

    Ah ! Comme la neige a neigé !
    Ma vitre est un jardin de givre.
     Ah ! Comme la neige a neigé !
    Qu'est-ce que le spasme de vivre
    Ô la douleur que j'ai, que j'ai !

    Tous les étangs gisent gelés,
    Mon âme est noire. Où vis-je ? Où vais-je ?
    Tous ses espoirs gisent gelés ;
    Je suis dans la nouvelle Norvège
    D'où les blonds ciels s'en sont allés.

    Pleurez oiseaux de février,
    Au sinistre frisson des choses,
    Pleurez oiseaux de février,
    Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
    Aux branches du genévrier.

    Ah ! Comme la neige a neigé !
    Ma vitre est un jardin de givre.
    Ah ! Comme la neige a neigé !
    Qu'est-ce que le spasme de vivre
    A tout l'ennui que j'ai, que j'ai !

    Émile Nelligan
    (1879-1941)


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  • Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
        Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
        Qui d'une main distraite et légère caresse,
        Avant de s'endormir, le contour de ses seins,
       
       
        Sur le dos satiné des molles avalanches,
        Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
        Et promène ses yeux sur les visions blanches
        Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
       
       
       
        Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
        Elle laisse filer une larme furtive,
        Un poète pieux, ennemi du sommeil,
       
       
        Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
        Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
        Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.

    Charles BAUDELAIRE 


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  • Où sont les larmes ?

    Gouttes d'eau venant du coeur,
    Expression de bonheur ou de malheur,
    Vous qui glissiez souvent sur mes joues,
    Aujourd'hui, mais où êtes-vous ?

    Toutes les douleurs de mon âme,
    Toutes les peines qui me désarment,
    Pourquoi ne pas vous laisser emporter
    Par le torrent des larmes tourmentées ?

    Ultra sensibilité, pourquoi me tortures-tu...
    Toutes ces émotions qui ne sortent plus...
    Pourquoi ai-je envie de pleurer
    Alors que mes larmes sont emprisonnées...

    Mes larmes se sont-elles gelées
    Au point que je ne sois qu'un glacier
    N'attendant qu'un réchauffement emotionnel
    Pour fondre et créer une inondation corporelle...

    Mes larmes, je vous en supplie à genou,
    Ne restez plus enfouies, je suis à bout...
    Sortez de mon corps, inondez mon visage
    Faites sortir mes tourments, que cela me soulage...

    Valérie S.


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  • Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
    La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
    Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
    - On entend dans les bois lointains des hallalis.

    Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
    Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
    Voici plus de mille ans que sa douce folie
    Murmure sa romance à la brise du soir.

    Le vent baise ses seins et déploie en corolle
    Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
    Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
    Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

    Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
    Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
    Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
    - Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

    II

    Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
    Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
    - C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
    T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;

    C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
    A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
    Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
    Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

    C'est que la voix des mers folles, immense râle,
    Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
    C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
    Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

    Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
    Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
    Tes grandes visions étranglaient ta parole
    - Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu !


    III


    - Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
    Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
    Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
    La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.

    ARTHUR RIMBAUD

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